F+I est l'aboutissement moderne de la très ancienne association
entre raison et discours. Le système formel F y est un "langage"
avec lequel il est à la fois possible de "parler" et de
"penser" l'environnement.
Une alternative à cette conception langagière de la pensée
a toujours existé. Elle associe pensée et image. Dans ce cadre,
nous proposons une théorie alternative des systèmes cognitifs
sensori-moteurs, baptisée approche F+D (système Formel
+ Description). L'essence de cette approche est de proposer de rendre effectifs
les calculs formels par un autre moyen que l'interprétation, appelé
description.
L'approche F+D est introduite au paragraphe III. La théorie mathématique
qui la sous-tend est présentée brièvement au paragraphe
IV.
L'approche F+D suppose 2 éléments indissociables :
Dans l'approche F+I les signes manipulés par le système
formel sont des symboles correspondant à des objets et classes d'objets
de l'environnement.
Dans l'approche F+D les signes utilisés sont les valeurs des variables
sensorielles, motrices et internes du robot.
Lorsque le robot interagit de manière pertinente avec son environnement
toutes ces variables ne sont pas indépendantes, certaines varient
de manières étroitement corrélées. Par exemple,
lorsqu'on fume une pipe, les sensations olfactives, tactiles, kinesthésiques
et visuelles ne sont pas quelconques. Odeur du tabac, chaleur, poids de
la pipe et fumée forment un tout perceptif cohérent. La perception
des unes rendent probables celles des autres. Que l'une manque ou diffère,
révèle en général un fait important.
Les signes manipulés par le système formel, c'est-à-dire
les valeurs de ces différentes variables, ne sont pas des symboles,
ils n'ont, pris isolément, aucune contrepartie dans l'environnement.
Aucune des informations transmises par le nez, la main, le bras ou la rétine,
n'est en soit significative. Pas plus que la couleur d'un pixel sur une
rétine n'a de signification et ne permet de se faire une idée
quelconque de l'image. C'est l'ensemble des interdépendances entre
ces variables qui est caractéristique et que nous avons baptisé
description.
La connaissance des valeurs de certaines d'entre elles permet de prédire
les valeurs probables des autres. Lorsqu'on saisit une pipe qui fume, on
s'attend à la sensation de chaleur. Ceci s'applique aussi bien aux
variables motrices qu'aux variables sensorielles. Si l'on tient une pipe
allumée, le plus probable est que les prochains ordres moteurs envoyés
au bras soient pour la porter à la bouche.
Etre pipe ou ne pas être pipe, telle n'est plus la question. Seule
reste la question de savoir quelles actions peuvent être prises étant
donné la situation considérée.
Dans l'approche F+I, l'interprétation est donnée a priori
par le concepteur.
Dans l'approche F+D les descriptions sont apprises petit à petit,
sur la base de connaissances préalables fournies par le concepteur,
par la somme des expériences cumulées du robot. Construire
une description va consister pour le robot à élaborer des
structures internes rendant compte des dépendances observables.
Utiliser l'approche F+D lui permettra de percevoir, décider et agir
en menant des calculs formels basés sur ces structures internes acquises
expérimentalement.
L'approche F+D repose sur un fondement mathématique parfaitement
clair : les probabilités.
Nous proposons de coder les dépendances entre variables sensorielles,
motrices et internes par des distributions de probabilités que nous
appelons descriptions.
Nous montrons comment les règles de l'inférence probabiliste
permettent de faire des raisonnements aussi riches et complexes que ceux
faits avec les règles formelles logiques fondant l'approche F+I.
Nous explicitons comment ces calculs formels probabilistes sont rendus effectifs
par la prédiction des valeurs probables des variables motrices.
Nous expliquons comment le principe de maximum d'entropie donne un cadre
théorique général et clair pour gérer et comprendre
les problèmes d'apprentissage.