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II.3. L'informatique : une nouvelle dimension de la formalisation


 

L'importance de la démarche F+I a acquis une nouvelle dimension au cours de la seconde guerre mondiale avec la naissance de l'ordinateur.
D'une part, parce que l'informatique est l'incarnation électronique du concept de système formel. Données et programmes sont les éléments constitutifs d'un système formel et l'ordinateur la "mécanique" qui automatise les inférences.
D'autre part, parce que l'informatique a ouvert des possibilités entièrement nouvelles à la démarche F+I. Avoir une théorie scientifique formalisée permettant d'élaborer de nouveaux modèles et de concevoir des dispositifs technologiques est une chose, mais disposer de modèles formels, interrogeables en temps réel, pour prendre des décisions ou commander une machine en est une tout autre !

Les programmes d'un ordinateur peuvent être vue comme un ensemble de systèmes formels communiquant les uns avec les autres.
Quand il s'agit de faire communiquer entre eux deux programmes, spécifier une interprétation est une tâche relativement facile, étant donné que ces deux programmes sont de nature formelle et, donc, par essence catégorisable.

Reste le problème du lien entre les différents systèmes formels (programmes) présents dans l'ordinateur et le phénomène modélisé.
Là encore, on constate que cette interprétation n'est pas donnée de manière explicite et rigoureuse. La machine communique avec son utilisateur en langage formalisé sans avoir aucunement besoin de rattacher ses inférences au phénomène (voir figure 5).

Ce dialogue formalisé repose sur le système formel correspondant à l'interface homme-machine. Cette communication est possible, car l'utilisateur et l'ordinateur partagent une même interprétation de ce système formel. Ils sont capables d'identifier les mêmes objets et ensembles d'objets dans l'environnement formel de ce dialogue. Par exemple, l'utilisateur d'un traitement de texte et le programme correspondant savent reconnaître les mêmes caractères, ils sont d'accord sur ce qu'est un mot (une suite de caractère entre deux blancs ou entre un blanc et un signe de ponctuation) ou sur ce qu'est un paragraphe.
Tout l'intérêt de l'informatique vient de que l'utilisateur accorde aux objets et ensemble d'objets manipulés au cours de ce dialogue une autre signification. Il attribue aux manipulations formelles effectuées par la machine, une signification relative au phénomène modélisé. Cette deuxième interprétation échappe totalement aux programmes, c'est celle qui importe à l'utilisateur. C'est le sens du texte et l'esthétique de la mise en page qui compte pour l'utilisateur du traitement de texte, mais il est bien content d'avoir l'ordinateur pour l'aider à en manipuler la forme.


Figure 5 : l'ordinateur dans sa "chambre chinoise"[5]
Il y manipule les "idéogrammes" mais pas les "idées" correspondantes.



[5]Voir Searle [Searle81]


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