L'importance de la démarche F+I a acquis une nouvelle dimension
au cours de la seconde guerre mondiale avec la naissance de l'ordinateur.
D'une part, parce que l'informatique est l'incarnation électronique
du concept de système formel. Données et programmes sont les
éléments constitutifs d'un système formel et l'ordinateur
la "mécanique" qui automatise les inférences.
D'autre part, parce que l'informatique a ouvert des possibilités
entièrement nouvelles à la démarche F+I. Avoir une
théorie scientifique formalisée permettant d'élaborer
de nouveaux modèles et de concevoir des dispositifs technologiques
est une chose, mais disposer de modèles formels, interrogeables en
temps réel, pour prendre des décisions ou commander une machine
en est une tout autre !
Les programmes d'un ordinateur peuvent être vue comme un ensemble
de systèmes formels communiquant les uns avec les autres.
Quand il s'agit de faire communiquer entre eux deux programmes, spécifier
une interprétation est une tâche relativement facile, étant
donné que ces deux programmes sont de nature formelle et, donc, par
essence catégorisable.
Reste le problème du lien entre les différents systèmes
formels (programmes) présents dans l'ordinateur et le phénomène
modélisé.
Là encore, on constate que cette interprétation n'est pas
donnée de manière explicite et rigoureuse. La machine communique
avec son utilisateur en langage formalisé sans avoir aucunement besoin
de rattacher ses inférences au phénomène (voir figure
5).
Ce dialogue formalisé repose sur le système formel correspondant
à l'interface homme-machine. Cette communication est possible, car
l'utilisateur et l'ordinateur partagent une même interprétation
de ce système formel. Ils sont capables d'identifier les mêmes
objets et ensembles d'objets dans l'environnement formel de ce dialogue.
Par exemple, l'utilisateur d'un traitement de texte et le programme correspondant
savent reconnaître les mêmes caractères, ils sont d'accord
sur ce qu'est un mot (une suite de caractère entre deux blancs ou
entre un blanc et un signe de ponctuation) ou sur ce qu'est un paragraphe.
Tout l'intérêt de l'informatique vient de que l'utilisateur
accorde aux objets et ensemble d'objets manipulés au cours de ce
dialogue une autre signification. Il attribue aux manipulations formelles
effectuées par la machine, une signification relative au phénomène
modélisé. Cette deuxième interprétation échappe
totalement aux programmes, c'est celle qui importe à l'utilisateur.
C'est le sens du texte et l'esthétique de la mise en page qui compte
pour l'utilisateur du traitement de texte, mais il est bien content d'avoir
l'ordinateur pour l'aider à en manipuler la forme.
Figure 5 : l'ordinateur dans sa "chambre chinoise"[5]
Il y manipule les "idéogrammes" mais pas les "idées"
correspondantes.